Lucien GINSBURG
[Serge GAINSBOURG]

Serge Gainsbourg (de son vrai nom, Lucien GINSBURG)
(2 avril 1928 Paris-2 mars 1991 Paris)
Les parents de Lucien, Olga née BESSMAN [on retrouve aussi les prénoms Olia ou encore Goda dans les documents d’archives], la mère de Lucien, et Joseph GINSBURG seraient tous deux nés à Constantinople , mais les sources divergent sur le sujet. Quoiqu’il en soit tous deux sont d’origine ashkénaze et leurs ancêtres auraient été contraints de partir du fait des pogroms en Russie.
En 1921, fuyant la Révolution russe, le couple quitte le pays, s’installe d’abord à Marseille puis à Paris au 11 rue Chaptal, lieu où Lucien et sa jumelle Liliane naîtront et vivront durant la majeure partie de la guerre avec leur ainée Jacqueline.
Le père est pianiste et fait partie de plusieurs orchestres dont celui de Fred Adison, un des pionniers du jazz en France qu’il rencontre en 1932.
Ses contrats le mènent également aux quatre coins de France et même à l’étranger.
La famille est naturalisée en juin 1932 mais plusieurs écrits biographiques indiquent qu’on leur retira la nationalité française pendant la guerre.
Ce qui est sûr c’est que la section d’enquête et de contrôle de Limoges proposera en effet la déchéance de nationalité en juin 1944 après enquête sur la famille.
En octobre 1940, contraints de se plier au premier statut des juifs, les Ginsburg se font recenser. Ce serait à cette époque que le père, Joseph qui ne peut plus travailler du fait des lois raciales fuit en zone libre, à priori grâce à l’aide de Pierre Guyot, un violoniste et chef d’orchestre limougeaud qu’il a rencontré à Paris.
Ce n’est qu’en date du 30/04/1943 qu’il arrive à Limoges. Avant cette date, il aurait transité dans de nombreuses villes (Marseille, Toulon, Nice, Lyon…).
A Limoges, il s’installe d’abord au 13 rue des Combes puis à partir du 15 novembre 1943 au 3, rue St-Paul selon un rapport de la SEC (section d’enquête et de contrôle) du Commissariat Général à la Question juive datant du 26 avril 1944.
Pour gagner sa vie, il donne aussi des cours de piano et joue dans des orchestres du centre-ville comme celui du café « Riche », puis celui du « Cyrano » à partir de novembre 1943.
A Paris, du côté d’Olga et des enfants, après la loi du 7 juin 1942 on impose à la famille le port de l’étoile jaune.
En 1944, la situation étant trop dangereuse, Joseph décide de mettre les siens « à l’abri » en zone sud en les faisant venir à Limoges.
C’est ainsi qu’en janvier 1944, munie d’une fausse carte identité que Joseph lui a fait parvenir à son adresse parisienne dans un panier de légumes au nom de GIMBARD, Olga tente franchir la ligne de démarcation avec ses trois enfants.
Arrêtée, les renseignements généraux ordonnent alors une enquête sur le couple mais la libère. Olga sera ensuite condamnée pour « détention de fausse carte d’identité » à 300 frs d’amende par le tribunal correctionnel de Limoges.
Gilles Verlant, biographe de Serge Gainsbourg évoque le lieu où vivait la famille GINSBURG à Limoges:
« A l’époque, elle loge au n° 13 (actuel 11) rue des Combes, dans un petit deux pièces qui appartient à Philippe Nadaud, propriétaire du « café de la mère Nadaud », bistrot au rez-de-chaussée. Joseph Gainsbourg, sous le pseudonyme de Jo d’Onde [on retrouve aussi celui d' »Ange » au sein des documents d’archive], joue du piano à La Coupole, place de la République, au Cyrano et au Café Riche, en fin d’après-midi et le soir. Au répertoire: du classique, du jazz, de l’opérette, de la musique tzigane. Ceux qui l’ont fréquenté souligne l’élégance, le raffinement, la grande culture de Joseph. »
Quant à Lucien qui est d’abord pensionnaire au Sacré-Coeur il est ensuite scolarisé sous une fausse identité au collège jésuite de Saint-Léonard-de Noblat. Il s’y intègre visiblement mal.
Guy Moraud, ancien élève témoigne:
« Certains de ses camarades se souviennent de sa passion pour le dessin et des silhouettes de femmes qu’il esquissait sur un calepin. Mais aussi de son mépris pour ceux qu’il considérait comme des « ploucs », lui, le petit parisien. C’était un élève très effacé et qui ne se plaisait pas dans le milieu dans lequel on était. Il était Parisien, nous, on était des paysans limousins. Pour lui, c’était ça. »
En 1944, pour échapper à une rafle, il doit se cacher dans les bois après une descente de la Gestapo. Il y passera toute une nuit, la peur au ventre. Cet épisode le traumatisera.
A limoges, en juin 1944, après une perquisition de la Milice, le couple GINSBURG décide de fuir mais il est activement recherché. Un rapport datant de juillet 1944 menace Joseph d’ internement administratif à Nexon, Goda d’une assignation à résidence, mais ils risquent bien plus à l’époque. Ils s’enfuient donc à la campagne, à Saint-Cyr (hameau du Grand Vedeix), à une vingtaine de kilomètres d’Oradour-sur-Glane.
Les 5 membres de la famille ressortiront finalement miraculeusement sains et saufs de la guerre, cachés chacun à des endroits différents (les sœurs de Lucien seront quant à elles cachées dans l’ institution religieuse du Sacré Coeur).
Quant à Lucien GINSBURG devenu Serge Gainsbourg alias « Gainsbarre« , il occultera longtemps cette période sombre de sa vie. Quand il l’évoque, c’est davantage la Milice qu’il incrimine, celle qui a traqué ses parents. Il y fera tout de même référence à travers certaines de ses chansons comme « Yellow star » ou encore la chanson provocatrice « Nazi rock » qui dénonce, sous un air ironique et joyeux, les violences faites par les nazis durant la Nuit des Longs Couteaux.
Ainsi, en 1975, pour son album » Rock Around the Bunker » il compose cette chanson, » The Yellow star » :
« J’ai gagné la yellow star, Et sur cette yellow star, Inscrit sur fond jaune vif, Y’a un curieux hieroglyphe
Sur cette yellow star, yellow star, J’ai gagné la yellow star,
Et sur cette yellow star, Y’a peut être marqué sheriff ou marshall ou big chief
Sur cette yellow star, yellow star, J’ai gagné la yellow star,
Je porte la yellow star, Difficile pour un juif, La loi du struggle for life,
Quand il y a la yellow star, yellow star « .
Parfois il ironisera aussi sur le sujet en disant qu’il portait une « étoile de shérif »
Le 25 août 1944, Paris est libéré et les Ginsburg retrouvent leur appartement parisien.
Lucien retourne au lycée Condorcet, mais en mars 1945 il décide finalement d’interrompre ses études.
Il a alors rendez-vous avec son destin. De là, nous connaissons tous la suite de l’histoire, celle qui fera de Lucien le « mythe Gainsbourg » qu’il est aujourd’hui devenu.
© Fanny DUPUY
2/08/2020
Sources:
- https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/chanson-francaise/serge-gainsbourg-enfant-juif-cache-en-limousin-sous-l-occupation_3313809.html
- Photos de la famille : https://www.flickr.com/photos/48580880@N08/albums/72157623645011704
- Source: https://france3-regions.blog.francetvinfo.fr/ici-c-est-limoges/2015/05/31/un-certain-lucien-ginsburg-refugie-a-limoges.html
- Gainsbourg, biographie par Gilles Verlant, Éditions Albin Michel, Paris, 2000
- https://www.youtube.com/watch?v=qmb_7GSJ7_w
- ADHV