Jean DURLACHER

Hans Durlacher © ADHV

Jean (Hans Nathan) DURLACHER,

17 ans, allemand,
Arrêté à: Saint-Junien, convoi 26

Né le 23 juin 1925 à Kippenheim (Bade).

Jean (de son nom germanique « Hans », diminutif de Johann) est le fils de Flora DURLACHER et le frère de Marguerite ( surnommée « Margot », de son nom germanique « Gretel Rina »).

Son père, Salomon est déjà décédé au moment où la guerre éclate (depuis le 04/01/1929 selon le site Alemannia Judaica).

La vie à Kippenheim dans les années 1930, Bade

Photo de groupe des enfants de la communauté juive de Kippenheim, avec le cantor Schwab (né en 1893), 1935. Hans (10 ans) et Gretel (Marguerite, 14 ans) Durlacher sont indiqués par des flèches, ©Coll. S.Klarsfeld, ©K.Maier ©Amis de l’ancienne synagogue de Kippenheim

Avant-guerre, la famille Durlacher était une famille qui s’était spécialisée dans le commerce de vin depuis plusieurs générations.

Le site Alemannia Judaica atteste de la présence des Durlacher et d’une boutique de vins et liquoreux tenue par Flora au niveau de la rue principale (13 Obere Hauptstraße 13) de Kippenheim mais les ancêtres de la famille étaient présents à Kippenheim dès le début du XIX° siècle.

Flora tenait donc seule ce commerce familial depuis le décès de son mari en fournissant les restaurants. Les affaires allaient mal depuis le boycott de 1933 infligés aux juifs par les Nazis [Sabine Herrle].

Concernant la vie communautaire à Kippenheim à l’époque, elle était très vivante et structurée (avec de nombreuses associations ou structures cultuelles communautaires) et on comptait en 1933 encore 144 juifs (soit 7.8% de la population totale de Kippenheim) avant l’émigration de beaucoup de familles au moment du boycott économique*.

Sur la photographie de groupe ci-dessus  datant de 1935 que l’on retrouve également dans l’ouvrage du témoin et survivant Kurt MAIER , on peut apercevoir Hans souriant avec le cantor SCHWAB de la communauté juive de Kippenheim et tous les enfants (dont sa sœur Marguerite). La photographie a été prise derrière la synagogue. Parmi les noms de familles connues à Kippenheim, on retrouve parmi les patronymes les plus fréquents les noms « WERTHEIMER » et « AUERBACHE ».

Enfant, Hans avait d’abord été scolarisé à la Volksschule de Kippenheim ** [source: Sabine Herrle]. La Volksschule est la période de scolarisation obligatoire des enfants en Allemagne. Elle correspond à l’école primaire ainsi qu’une partie du niveau secondaire.

Avant novembre 1938, on sait aussi qu’Hans avait rejoint scolarisé l’équivalent du lycée (le Realgymnasium ) dans la ville proche d’Ettenheim (située à environ 7 km de Kippenheim). Chaque jour, c’est avec une autre adolescente (qui a survécu), Hedwig Hedy WACHENHEIMER qu’il se rendait à vélo au lycée du haut de ses 13 ans.

Kurt MAIER, survivant qui à l’époque avait 8 ans au moment des faits se souvient d’Hans comme d' »un garçon très gentil ». Après-guerre il a pu retrouver chez des membres de sa famille émigrée à New-York le cahier d’hébreu d’Hans (parmi les affaires sauvées de la communauté de Kippenheim).

Le tournant de la « Nuit de Cristal », 9-10 novembre 1938

Salle de prière de la synagogue de Kippenheim, le jour de la « Nuit de Cristal », 10/11/1938, ©Amis de l’ancienne synagogue de Kippenheim

Or, après  la « Nuit de Cristal » des 9/10 novembre 1938, tout bascule pour l’adolescent et sa famille. Ce jour-là, d’après le témoignage de Hedy, Hans voit le directeur du lycée surgir en classe, l’insulter et l’exclure violemment. Désemparé, il retrouve ensuite Hedy et aperçoit dans la rue des hommes en uniformes qui poussent devant eux d’autres hommes [ndrl juifs]. Dans la librairie voisine, il tente d’appeler sa famille à Kippenheim mais personne ne répond.

Il ignore encore qu’au même moment, le même drame se produit, à Kippenheim: des hommes, des vieillards sont arrêtés, molestés et la synagogue et les magasins appartenant à des juifs sont détruits. 14 hommes de la communauté (dont le frère de Flora, Bertold, 77 ans) seront ensuite déportés à Dachau. C’est une atmosphère de terreur qui règne alors à Kippenheim.

Par ailleurs, durant la nuit du pogrom, les lampes et vitres de la maison des Durlacher ont été brisées, les meubles endommagés [Sabine Herrle].

La fuite en France, Strasbourg , décembre 1938-juillet 1939

Aussi, très peu de temps après, Flora décide d’envoyer son fils en France pour le protéger. Le   19 décembre 1938 il rejoint alors des membres de sa famille installée à Strasbourg. En effet, son oncle, le Dr Sally Epstein ainsi que  sa grand-mère paternelle, Sophie EPSTEIN, née BURGER y vivent tous deux.

Entre temps, en Allemagne,  les Nazis ont totalement spolié la famille. Flora est alors contrainte de vendre son commerce et sa maison à un prix dérisoire en date du 18/01/1939. Elle ne sera d’ailleurs jamais payée en retour. Flora, Gretel et l’oncle Berthold sont ensuite contraints d’émigrer.

Ils finissent par retrouver Hans à Strasbourg le 18/07/1939.

Ils vivront alors tous chez Sally EPSTEIN  au 2, rue Wencker à Strasbourg, jusqu’à la veille des hostilités.

 L’arrivée à St-Junien en aout 1940

Avec l’annonce du déclenchement de la guerre, en septembre 1939 est alors organisée l’évacuation du Bas-Rhin dans le centre de la France, dont la Haute-Vienne.

A St-Junien, c’est la commune de Shiltigheim (qui jouxte Strasbourg) qui est accueillie. Ce sont des milliers d’évacués qui arrivent alors parmi lesquels Sally Epstein et Sophie Epstein.

Cela dit, les Durlacher transitent d’abord dans un premier temps dans la vile de  Gray, en Haute-Saône, 2, rue de l’Abreuvoir.

Ils rejoignent ensuite les leurs à St-Junien le 30/08/1940.

Là, ils vivent alors route de St-Brice chez un fermier au lieu-dit « Le Belvédère » avec leur grand-mère, Sophie.

A partir du 3 janvier 1941 et jusqu’au 31 juillet 1941, Jean qui va sur ses 16 ans est scolarisé à l’école communale comme le prouve les registres scolaires. Son bulletin atteste qu’il était « un bon élève, travailleur ».

Il suit ensuite les cours de l’ORT à Limoges et est hébergé à l’internat OSE de Limoges.

L’arrestation de la famille en zone libre le 26 août 1942

Mais dans la nuit du 26 aout 1942 la famille est arrêtée par la gendarmerie française dans le cadre de la rafle du 26 aout.

Hans est ensuite déporté à Auschwitz (sans retour) avec sa mère et sa sœur Marguerite par le convoi 26.

Grâce à Sabine Herrle et ses recherches dans les fonds de restitution allemands, nous savons qu’Hans n’est peut-être pas décédé à son arrivée à Auschwitz  (cela dit, il manque il manque des documents d’archive pour le prouver).

En effet, d’après le témoignage d’un co-détenu, Mr LASCH, Hans aurait été sélectionné pour le travail forcé avant l’arrivée à Auschwitz (à Kosel) avant d’être envoyé:

  1. D’abord à Gogolin, en Haute-Silésie
  2. puis à Fürstengrube où il serait mort d’épuisement et de dysenterie en décembre 1942.

Cette piste reste à exploiter malgré certaines incohérences puisque Fürstengrube**ne fut construit qu’à partir de septembre 1943.

En outre, en 2010, c’est sur un marché aux puces que le livre de prière d’Hans fut retrouvé (avec sa date de naissance et celle de sa Bar mitsvah).

Ce sont les dernières traces trouvées à son sujet.

©Fanny Dupuy, avec l’aide précieuse de Sabine Herrle

Dernières révisions: le 30/07/2023

NB:

*Les derniers juifs de Kippenheim furent déportés le 22/10/1940 à Gurs, source Alemannia Judaica.

**Dans le Duché de Bade, il n’y avait pas d’écoles confessionnelles séparées. Tous les enfants quelque soit leur religion étaient scolarisés ensemble. Suivant ce cursus, la « Simultanschule » qui était obligatoire se déroulait sur un cycle de 8 ans. Après 4 années, une petite minorité pouvait accéder dans l’école supérieure (équivalent du lycée). Les enfants n’étaient séparés que lors des cours de religion. Ce fonctionnement était une particularité badoise. Source: Sabine Herrle

**Le camp de Fürstengrube: il fut l’un des 6 camp annexes d’Auschwitz fournissant une main d’oeuvre aux mines d’IG-FARBEN. Crée en 1943, il appartenait d’abord aux ZAL avant d’être rattaché à Auschwitz à la fin de l’année. Il fonctionna jusqu’à début 1945. Entre 600 et 1300 personnes y furent détenues dans des conditions extrêmement dangereuses, sans aucun souci de la vie humaine.

Source: 1945, Les rescapés juifs d’Auschwitz témoignent, A.DOULT, S.Klarsfeld, S. Labeau, FFFDJF, 2015, p.140

Remerciements:

tous mes remerciements à ceux qui ont pu aider à reconstituer ce parcours, parmi eux, je remercie pour son aide:

  • Mr Baroulaud, archiviste de la ville de St-Junien
  • Sabine Herrle, chercheuse allemande qui m’a beaucoup aidée concernant les sources allemandes
  • un grand merci également à Mr  Jean-Louis Spieser pour la traduction et les précisions en lien avec le reportage sur Hans Durlacher

Sources:

Sources allemandes (Sabine Herrle):

  • Archives départementales de Frieburg
  • Témoignage de Kurt MAIER: Kurt Salomon Maier, Unerwünscht. Kindheits- und Jugenderinnerungen eines jüdischen Kippenheimers. Ubstadt – Heidelberg-Neustadt a.d.W. – Basel 2011, Seite (page) 30, 71
  • Historischer Verein für Mittelbaden e.V., Mitgliedergruppe Ettenheim. Schicksal und Geschichte der jüdischen Gemeinden Ettenheim, Altdorf, Kippenheim, Schmieheim, Rust, Orschweier. Ettenheim 1988

Darin:

Jürgen Stude, Der Novemberpogrom in Kippenheim: S. 45-47

Jürgen Stude, Geschichte der jüdischen Gemeinde Kippenheim. S. 322-362

  • Hedy Epstein, Erinnern ist nicht genug. Autobiographie. Münster 1999
  • © Crédits photo: coll.Serge Klarsfeld , ADHV (photo d’identité), Kurt Maier (ibid), Les amis de l’ancienne synagogue de Kippenheim

Noms associés:

  1. Flora Durlacher, mère
  2. Gretel Durlacher, soeur
  3. Salomon Durlacher, père
  4. Bertold Durlacher, grand-père maternel
  5. Sophie Epstein (née Burger), grand-mère maternelle
  6. Dr. Sally Epstein, oncle maternel
  7. Hedwig Hedy Wachenheimer , camarade de classe
  8. Cantor Schwab, communauté de Kippenheim
  9. Kurt Maier, camarde de classe
  10. Mr. Lasch, co-détenu
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