Siegfried Epstein
Siegfried EPSTEIN,
56 ans, allemand, père de famille,
Arrêté à: Saint-Léonard-de-Noblat, convoi 26
Siegfried EPSTEIN est né le 05/11/1885 à Eischstetten en Allemagne.
Il était le fils de David et Marie Rothschild qui étaient à la tête d’une fratrie de 13 enfants.
Il était aussi l’époux de Lina (née WEIL) et le père de Marianne.
Avant-guerre, il vivait avec sa famille à dans son village natal, Eichstetten (Altweg 10) où il dirigeait avec son frère Heinrich une usine de fabrication de papier. Il avait aussi un bureau lié à son entreprise à Fribourg (dans le Bade-Wurtemberg) à Im Grün 3.
A Fribourg, la famille déménagea à plusieurs reprises:
-en 1925, avant la naissance de Marianne, leur adresse était Ringstrasse
-à partir de 1931, ce sera Bismarckstrasse 20 (aujourd’hui Stefan-Meier-Strasse 4)
En juillet 1937, celle-ci est « aryanisée » (terme nazi désignant la spoliation/confiscation des biens appartenant aux familles juives). Siegfried est alors contraint d’abandonner son bureau au Im Grün 3 à Fribourg.
Les persécutions contre les Juifs s’intensifient en Allemagne et la famille s’installe en octobre 1938 à ( Colombistrasse, 11). Elle semble alors préparer son émigration selon les recherches de Sabine Herrle.
Ils sont alors hébergés chez des membres de la famille de Lina au deuxième étage de la maison de Moritz et Karolina WEIL-LION, commerçants en textile [sources allemandes trouvées par Sabine HERRLE].
Vivent également sous le même toit Max et Erna EISENMANN (Erna étant également apparentée à la branche WEIL, famille de Lina) qui parviendront à émigrer aux Etats-Unis depuis Rotterdam le 14 janvier 1939.
Au moment de « la Nuit de Cristal« , la synagogue de Fribourg est brulée par les Nazis et une centaine d’hommes juifs (parmi lesquels Siegfried) est arrêtée puis internée à Dachau. Siegfried y sera détenu du 11/11/1938 au 22/12/1938.
C’est le moment choisi pour organiser le sauvetage de Marianne et de plusieurs de ses cousins chez de la famille aux Pays-Bas, visiblement par Kindertransport (convoi de sauvetage d’enfants) en espérant une émigration future en Israël qui n’aboutira pas.
La famille est ensuite réunie mais les circonstances de ces retrouvailles restent à établir. Elle émigre alors en France le 10/01/1939.
Elle transite à un moment à Mulhouse puis Épinal où résident certains membres de leur famille avant de se fixer à Angers dans le Maine et Loire à partir du 24/04/1939.
A Angers, d’après le témoignage d’Yvette Ferrand qui entama des recherches sur la fillette à la fin des années 1990 , la famille réside près de chez ses grands-parents et lient amitié avec eux.
On sait aussi qu’à cette période, juste après leur arrivée en France, Siegfried fut engagé volontaire à Agde au début de la guerre.
Les documents d’archives mentionnent aussi le fait qu’il fut interné durant l’année à deux reprises au camp du Ruchard (Indre-et-Loire, à 120 km d’Angers). Lina mentionne qu’il en fut libéré le 29/12/1939 par la commission de criblage de la IX° Région.
Est également mentionné son incorporation après la débâcle, en juin 1940 comme prestataire au sein du 99° régiment régional, 1er bataillon, première compagnie. Il s’agissait d’un régiment de réserve constitué de soldats étrangers.
La famille est par ailleurs officiellement déchue de sa nationalité allemande en date du 09/14/1940 [recherches Sabine Herrle].
Après la débâcle de mai 1940, redoutant d’être à nouveau la proie des Nazis, les Epstein quittent Angers pour Limoges (encore en zone libre).
Sont-ils arrivés séparément? Siegfried est en effet peut-être arrivé en premier pour pouvoir ensuite accueillir sa famille?
Sur les fiches individuelles de recensement faites à Limoges durant l’année 1941, il mentionne en effet comme moment de son arrivée la date du 09/07/1940 tandis que Lina et sa fille Marianne indiquent qu’elles sont arrivées le 24/07/1940.
La famille s’installe alors au 14 bis, boulevard Carnot (dans un appartement loué par Mr Charles Lavandon).
A cette date, elle espère encore émigrer pour Cuba ou les États-Unis. Le frère de Lina, Max, qui réside en Suisse (à Winterthur) est d’ailleurs déclaré garant « des démarches [administratives] à entreprendre ».
Cela dit, le 30/08/1940, Siegfried est interné dans le camp de St-Germain les Belles (Haute-Vienne) puis envoyé à Gurs (Pyrénées Atlantique).
Aussi, le 5 décembre 1940, Lina, sa femme demande par courrier au préfet à ce que son mari soit libéré et puisse les rejoindre à Limoges.
Les documents d’archives mentionnent également qu’en mars 1941, au moment où cette demande est en cours, Siegfried avait été incorporé au sein du 318° GTE près d’Albi (qui dépendait du camp de Saint-Antoine ou « camp de la Viscose » dans le Tarn et qui était utilisé comme lieu d’internement de juillet 1940 à août 1941).
Grâce à de nombreux courriers de sa famille et de personnes « garantes », Siegfried finit par être libéré et rejoint Lina et Marianne à Limoges.
Quelques mois plus tard, à partir du 01/11/1941, la famille réunie est expulsée de Limoges et rejoint la commune d’Isle (au lieu-dit ou à l’hôtel « Les Paquerettes« ) comme le mentionne la fiche du recensement en date du 15 février 1942. Cette expulsion fut en effet décidée par la Préfecture et vise tous les étrangers juifs arrivés en France après le 01/01/1936 qui résident dans la ville de Limoges.
Le 11/04/1942, à nouveau expulsée de la banlieue proche de Limoges, les Epstein sont contraints de quitter Isle pour St-Léonard-de-Noblat, à environ une trentaine de kilomètres.
Là, ils sont assignés à résidence et le premier lieu de résidence indique comme adresse « l’hôtel du Midi » ( aujourd’hui situé au 1, Avenue du Maréchal Foch aujourd’hui selon le CSSL de Saint-Léonard-de-Noblat).
Le 06/06/1942, la présence de la famille est contrôlée une dernière fois et l’adresse mentionnée est « route de Beaufort » à St Léonard de Noblat.
C’est là qu’un peu plus d’un mois plus tard, elle est arrêtée et déportée (sans retour) par le convoi 26.
©Fanny Dupuy, Sabine Herrle
Sources:
- ADHV
- ITS Arolsen
- Mémorial de la Shoah
- Avec mes plus grands remerciements à Sabine Herrle, chercheuse allemande avec qui j’échange régulièrement pour faire se compléter les sources allemandes, hollandaises et françaises. Nos informations complémentaires ont permis d’affiner encore ce travail qui avait été précédé par celui d’Yvette Ferrand durant les années 1990.
- Avec mes sincères remerciements donc à Yvette Ferrand pour la photographie de Marianne et Lina ainsi que les informations recueillies et et pour la mise en contact fructueuse avec Mme Herrle.
- Photographie stolperstein: James Steakley
- Crédit photographique: © Famille Weil-Lion,
- http://www.alemannia-judaica.de/eichstetten_synagoge.htm
- Article ci-dessous: le Mémorial des enfants juifs déportés de France, Serge Klarsfeld, 2016 (avec mes remerciements à André Convers pour la transmission du document)
- Recherches généalogiques et contact avec Brett Levi, descendant de la famille
ce travail initial a trouvé un prolongement grâce à la diffusion d’un article dans le journal allemand le « Badische Zeintung » diffusé à l’occasion du triste anniversaire de la « Nuit de Cristal ». Vous trouverez ci-dessous l’article originel et ses traductions en anglais et français en cliquant sur la langue choisie.
Traduction français Marianne Epstein (1) Badische_Zeitung_Freiburg_04112023_Seite_18_-1 Traduction anglais Sabine HERRLE Marianne Epstein (2)
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